Loin de chez moi, mais jamais seul

On dit que lorsque l’on perd un de ses sens, les autres sens deviennent plus aigus. Ces paroles ne m’ont jamais semblé aussi vraies; je suis assis devant d’énormes moulins à prières tibétains qui tournent mollement et ce qui se déroule devant moi ne serait pas hors de contexte dans une scène médiévale; des poules qui rôdent, des chiens sauvages errants, de lourds yaks et des femmes qui portent de longues robes, de grands tabliers et des bonnets colorés.

En fait, mon seul luxe dans ce village isolé dans l’ouest du Sichuan, qui repose à une altitude étourdissante de 14 500 pi, est mon précieux café Aurore Boréale qui m’a été envoyé par Muskoka Roastery avant de partir du Canada. En Chine, il est facile de trouver de l’eau chaude. Dans chaque demeure, magasin, restaurant et même station-service, on peut trouver de nombreuses grosses bouteilles Thermos remplies d’eau bouillante pour le thé. Toutefois, ce n’est pas le thé dont j’ai envie chaque matin. J’ai perdu tout sens du temps (si l’on peut le compter parmi les sens), alors mes sens de l’odorat et du goût sont devenus encore plus aigus et mon café Muskoka Roastery est encore plus précieux. Un tamis métallique fin retient le marc de café frais pendant que je verse l’eau fumante de l’une des bouteilles Thermos. Les villageois et les passants observent mon rituel quotidien avec émerveillement. Sans gêne, ils se rapprochent de moi et poussent des « ouhs » et des « aahs » en humant l’odeur du café Aurore Boréale frais qui est libéré dans l’air.

La Chine n’est toujours pas un pays de consommateurs de café, mais on ne pourrait jamais le deviner dans les milieux ruraux. Souvent, les groupes de personnes qui me regardaient préparer ma tasse de café du matin se partageaient ma tasse en acier inoxydable entre eux pour y goûter. Les regards émerveillés en disent long lorsque ces personnes goûtent le café pour la première fois! À ma grande surprise, la plupart d’entre eux y ont pris goût immédiatement, sans avoir à ajouter de lait ni de sucre! Certains font quelques grimaces, mais finissent la gorgée avec un sourire. D’autres sirotent et dégustent le café comme de fins connaisseurs de vin et montrent le signe universel d’approbation : un pouce levé avec enthousiasme. D’autres encore en prennent une gorgée, l’avalent, et continuent d’en boire.
Il s’agit de mon sixième voyage en Chine pour l’écriture et la photographie. J’ai visité de grandes villes, des villages isolés dans les oasis du désert et des villages de montagne enneigés. Tous ces endroits ont une chose en commun : un manque de bon café, ou même de café tout court! Donc, en apportant du café Muskoka Roastery dans ces petits villages, c’est comme si je faisais découvrir l’électricité à leurs populations! On apprécie beaucoup le café ici. Cette pensée me fait sourire pendant que j’observe un autre yak qui erre tout près. Une petite fille s’approche de moi, qui suis en train de siroter quelque chose en position accroupie, pour voir ce que je fais. Ses joues rouges et sa peau foncée me signalent qu’elle est une enfant du haut plateau. Elle me salue allègrement en tibétain en disant « Tashi Delek » (une salutation tibétaine traditionnelle qui signifie « Que tout aille bien »). Elle se penche pour humer mon café du matin, puis se redresse et prononce fièrement un nouveau mot en anglais… « Coffee! »

Spencer Wynn est le directeur artistique adjoint du Toronto Star, ainsi qu’un chroniqueur et photographe touristique

Publié le 23 décembre 2014

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